Quelques critiques qui ont rendu comte de
la Barrière de Clichy
sans l'avoir vue, ou qui l'ont vue sans l'écouter,
prétendent qu la pièce est faite « au point de vue de l'Élysée. »
Je nie avoir jamais fait une pièce politique à un autre
point de vue que les idées républicaines. Richard Darlington,
les Girondins,
Catilina, voilà pour le passé. La Barrière de Clichy,
voilà pour le présent.
Si Bonaparte eût eu dans le coeur les pensées que je lui
mets dans la bouche, Dieu en eût fait, par ses victoires,
l'instrument actif de notre liberté, au lieu d'en faire, par sa
chute, l'instrument passif de notre émancipation.
Maintenant, peut-être demandera-t-on pourquoi j'ai mis
dans la bouche de Napoléon des pensées de liberté qu'il n'avait
pas dans le coeur.
A cela je répondrai que le théâtre n'est pas un cours d'histoire,
mais une tribune par laquelle le poëte répand et propage
ses propre idées; - que mes idées, à moi, idées que
je crois bonnes selon l'égalité démocratique comme je l'entends,
acquièrent une nouvelle puissance dans la bouche de
l'homme dont le peuple a fair un demi-dieu; - et qu'à tout
prendre, puisqu'on a mis Napoléon sur un piédestal, mieux
vaut que le peuple croie qu'il y a été mis comme l'agent de
la liberté en Europe, plutôt que comme la représentation du
despotisme en France.
Je me promets d'écrire quelque jour une histoire de
Napoléon, et j'espère être un des premiers à mesurer d'un oeil
philosophique ce géant à qui Dieu avait fait une tête de
bronze et un pied d'argile.
Alex. Dumas
Some critics have judged The Barricade at Clichy
without having seen it, or having seen it without hearing it; pretending that the play is written
"from the point of view of the Élysée Palace".
I deny having ever created a political play
from any other point of view than republicanism. Richard Darlington,
The Girondins,
Catilina those are for the past. The Barricade at Clichy,
that's for the present.
If Bonaparte had had in his heart the thoughts I put in his mouth, God would have made him
through his victories, the active agent of our liberty, instead of making him, through his fall,
the passive instrument of our emancipation. Now perhaps it will be asked, why did I put in
the mouth of Napoleon thoughts of liberty that he never had in his heart?
To this I will reply that the theatre is not a course in history but a tribune
through which the poet expands and propagates his own ideas. That my ideas,
ideas that I think good according to democratic equality as I understand it,
acquire a new power in the mouth of a man whom the people have made into a
demi-god and that, on the whole, since they have put Napoleon on a pedestal,
it's better that the people believe he is the agent of European liberty
rather than the representative of despotism in France.
Someday I promise myself to write a history of Napoleon and I hope it will
be one of the first to measure this giant with a philosophic glance to whom God
gave feet of clay and a head of bronze.
Alex. Dumas